Quand Laudato si’ prend vie à l’échelle nationale

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Quand Laudato si’ prend vie à l’échelle nationale

Le 18 juin 2015, le pape François publiait l’encyclique Laudato si’ sur la « sauvegarde de la maison commune », une longue lettre dans laquelle il appelait « toute la famille humaine » à s’unir dans la « recherche d’un développement durable et intégral ». Dix ans après sa publication, Présence propose un dossier visant à rappeler l’actualité de ce grand document. Après avoir fait un rappel de certaines orientations théologiques de l’encyclique dans le premier texte, la suite du dossier vise à souligner des initiatives inspirées de Laudato si’ et l’engagement de croyants d’ici. 

Quel a été l’impact réel et observable de l’encyclique Laudato si’? Sa réception a-t-elle mené à des actions concrètes liées à ses enseignements et à une volonté réelle de changement social? Cet article s’intéresse à des initiatives canadiennes.

Historiquement, bon nombre de congrégations religieuses ont joué un rôle dans le développement du paysage catholique canadien. Bien qu’elles connaissent une décroissance marquée, plusieurs d’entre elles continuent d’influencer la vie de l’Église et de s’impliquer en matière de plaidoyer politique. En témoignent des initiatives locales en matière d’écologie, mais aussi le Bureau des congrégations religieuses pour l’écologie intégrale (BCRÉI) qui vise une action concertée nationale.

Des personnes consacrées mobilisées

Le BCRÉI est né d’une volonté de créer une force de mobilisation avec plusieurs congrégations religieuses, féminines et masculines, pour avoir un impact sur les plans local, provincial, fédéral et même sur la scène internationale. 

« Au nom de plusieurs congrégations religieuses, on parle avec des élus de tous partis confondus ainsi qu’à des hauts fonctionnaires [sur la Colline parlementaire à Ottawa] », explique Geneviève Gallant, directrice exécutive du BCRÉI.

En proposant une journée de formation ou bien une semaine thématique annuelle sur les questions environnementales, le BRCÉI rejoint des acteurs-clés de la politique canadienne dans le but de faire connaître les enjeux de l’écologie intégrale.

Selon Mme Gallant, il est intéressant de noter que les politiciens et hauts fonctionnaires « sont heureux de nous rencontrer et contents de recevoir [nos] messages. On veut que le Canada travaille plus fort pour contrer les changements climatiques ». Aux questions environnementales se conjugue l’enjeu tout aussi important de l’effacement de la dette des pays sous-développés. Le BRCÉI a à cœur d’éduquer les consciences et de changer les cœurs en insistant sur les efforts requis pour effacer la dette écologique et la dette financière.

La directrice exécutive du BCRÉI rappelle que la réunion du G7 en Alberta, du 15 au 17 juin 2025, pourra être l’occasion de redire aux pays invités que ces sujets doivent être considérés dans l’optique de « réorganiser le système de finance international ».

Par ailleurs, en amont de ce grand événement à caractère international, le BRCÉI voulait inciter le gouvernement fédéral à signer un traité de non-prolifération des combustibles fossiles « qui surpasse l’Accord de Paris en indiquant clairement que l’utilisation des combustibles doit cesser ». Ainsi, une douzaine de personnes de diverses Églises chrétiennes ont fait le trajet Montréal-Ottawa (environ 194 km), à vélo, le 12 mai 2025, pour sensibiliser la population à l’existence d’un tel traité et pour demander au Canada d’y adhérer.

Le BRCÉI joue un rôle essentiel en rappelant aux élus les évidences scientifiques sur les changements climatiques, dans un contexte où plusieurs dirigeants occidentaux y tournent le dos.

Un engagement continu

Bien avant la publication de Laudato si’, des initiatives locales significatives ont surgi de la société civile, que ce soit par la création de mouvements sociaux ou de lobbys environnementalistes. Dans les milieux ecclésiaux, des initiatives ont eu cours aussi, dont le Réseau des Églises vertes, actif près de 20 ans jusqu’à sa dissolution en avril 2024, faute « de diversification des sources de financement », explique Maxime Scrive, le dernier directeur général du Réseau.

Sa disparition ne signifie toutefois pas la fin des initiatives ecclésiales locales et fortes. « Chacun des adhérents [de l’ancien Réseau des Églises vertes] reste encore en activité », confirme M. Scrive. C’était l’avantage d’être un réseau avec des adhérents et non une association de membres. Ce modèle laissait une grande autonomie à chaque partie prenante. Ce réseautage permettait d’offrir des ressources bilingues et rejoignait des Églises de différentes dénominations dans une véritable perspective œcuménique où le dénominateur commun était le respect de la Création de Dieu. Outre l’Église Unie du Canada, initiatrice du réseau, celui-ci a rejoint des communautés anglicane, catholique romaine, presbytérienne, luthérienne et mennonite. M. Scrive n’hésite pas à soutenir que « le terrain de l’écologie est tout à fait propice voire idoine pour le dialogue œcuménique ».

Concrètement, ces Églises en réseau prenaient des initiatives pour modifier leur système de chauffage en vue d’une plus grande efficacité énergétique et pour diminuer les gaz à effet de serre (GES). Le réseautage s’étendait aussi à des collèges et à des communautés religieuses. Ce qui favorisait le désir d’adhésion au réseau, c’était avant tout une réelle conversion écologique. Celle-ci impliquait la volonté d’agir localement et d’influencer positivement les fidèles. Le partage de ressources en ligne pour des prédications axées sur le respect de la Création, des pistes concrètes pour des gestes environnementaux à petite et grande échelle sont parmi les outils ayant été mis en œuvre par le Réseau des Églises vertes.

Le site web des Églises vertes et ses plateformes vidéo demeurent en activité afin que ses ressources continuent de servir. Un autre organisme, indépendant des Églises vertes, peut être une référence pour la suite. Il s’agit de « Église zéro émission » qui peut orienter les communautés de foi voulant apporter des changements dans la gestion de leurs propres GES.

Michel Labonté est animateur à l’éducation citoyenne et identitaire en milieu scolaire. Il vit à Hamilton (Ontario) depuis 2012. Il détient une maitrise en théologie de l’Université de Sherbrooke et un D.E.S.S. en théologie pastorale de l’Institut de formation théologique de Montréal (IFTM).

Publié sur le site Présence – Information Religieuse